Camino del sol/Toujours du soleil
Pop News France/juillet 2006
ANTENA - Camino Del Sol
(LTM)
En 1982, les Français d'Antena étaient à la fois bien de leur époque et en avance sur les modes musicales, annonçant les fusions "électro-latines" qui triomphent actuellement dans les bars lounges à bobos. En 2006, le groupe (dont seule Isabelle Powaga subsiste du line-up originel) peut ainsi se laisser porter par les grands courants sonores d'aujourd'hui sans craindre d'être taxé d'opportuniste. Suite de "Camino del Sol" vingt-quatre ans après, "Toujours du soleil" sonne un peu comme sa version actualisée, à la façon d'un logiciel mis à jour pour prendre en compte les dernières avancées technologiques.
La réédition opportune du premier invite à la comparaison, même si les deux disques peuvent très bien être écoutés individuellement. Ce "Camino del Sol bis" rassemble, outre le mini-album du même nom, une dizaine de morceaux de la même année, tirés de singles ou de compilations rares, voire carrément inédits. L'ensemble, un peu daté mais fort plaisant, est assez représentatif d'une certaine pop européenne du début des années 80. Ces ritournelles naïves et minimalistes, qui hésitent entre rythmes brésiliens (bossa nova, samba) et électronique primitive, parfois légèrement funky, font écho à d'autres expériences menées à l'époque en France (cf. l'excellente compilation "So Young But So Cold, Underground French Music 1977-1983") ou en Grande-Bretagne (Young Marble Giants et ses suites). Comptant parmi ses fans Neil Tennant des Pet Shop Boys ou le jeune Jarvis Cocker, Antena semble avoir influencé un pan entier de la variété-pop française des années 80 (de Daho à Mikado en passant par Lio), tout en préfigurant les mélanges suaves et subtils de Stereolab, Bebel Gilberto, Pizzicato 5 et même Nouvelle Vague.
Chantés en français ou en anglais avec accent (il y a même un titre en allemand), les morceaux reflètent l'insouciance et la frivolité d'une époque d'avant le sida, le chômage de masse et l'abandon sans remplacement d'idéologies devenues obsolètes. Sans doute peu motivés par une carrière dans le show-biz (qu'ils ne firent pas, d'ailleurs), Isabelle Powaga, Sylvain Fasy et Pascale Moiroud n'avaient peur de rien, pas même du ridicule. Ils n'hésitaient pas à revisiter "The Girl from Ipanema" en en gauchissant les intouchables lignes mélodiques et en changeant la fille en garçon (un single produit par John Foxx, l'ex-leader d'Ultravox), à décalquer la chanson des "Demoiselles de Rochefort" ("Nous sommes deux sœurs jumelles…") et à composer un chant de Noël pas très catholique pour l'une de ces improbables compilations dont Les Disques du Crépuscule, leur label de l'époque, avait le secret. Les textes sont parfois tartignolles (la chanson-titre vacancière rappelle le "Playa Bianca" de Houellebecq, mais sans le déprimant "retour au réel" final), et la technique instrumentale s'avère souvent aussi rudimentaire que la production. Ces airs à tuer l'ennui gardent néanmoins un charme qui, pour être ténu, n'en est pas moins inaltérable.
ANTENA - Toujours du soleil
(LTM)
A côté de "Camino del Sol", "Toujours du soleil" sonne beaucoup plus pro, mais ses quatorze titres évitent assez habilement l'écueil de l'easy listening tiédasse. Enregistré et mixé entre la côte d'Azur, Bruxelles et Goa, le disque a tout de la petite entreprise familiale (Isabelle partage notamment le chant avec sa fille Pénélope, dont le père n'est autre que Sylvain Fasy) et amicale. Rob Garza et Eric Hilton de Thievery Corporation, fans de longue date, ont ainsi collaboré à trois morceaux, et la plupart des musiciens sont de vieux complices du plat pays (c'est au Japon et en Belgique, sa terre d’adoption, qu'Isabelle Antena a connu le plus de succès). Les auteurs ont parfaitement assimilé tous les codes de la musique électronique - jusqu'aux morceaux enchaînés comme dans un mix - sans pour autant négliger une écriture plus classique (voir cette surprenante reprise de "Horse With No Name", le tube seventies d'America, qui ferait merveille sur une compile de "Paris Dernière"). Mêlant programmations electro inventives et sonorités jazzy, l'ensemble séduit par son absence totale de prétention, son côté "disque de plage" totalement assumé. Sorti un jour férié (le 1er mai !), le bien nommé "Toujours du soleil" sera la bande-son idéale, digne et oisive d'un été à la fois chaud et cool, d'Ibiza à Copacabana.
Vincent Arquillière
ANTENA - Camino Del Sol
(LTM)
En 1982, les Français d'Antena étaient à la fois bien de leur époque et en avance sur les modes musicales, annonçant les fusions "électro-latines" qui triomphent actuellement dans les bars lounges à bobos. En 2006, le groupe (dont seule Isabelle Powaga subsiste du line-up originel) peut ainsi se laisser porter par les grands courants sonores d'aujourd'hui sans craindre d'être taxé d'opportuniste. Suite de "Camino del Sol" vingt-quatre ans après, "Toujours du soleil" sonne un peu comme sa version actualisée, à la façon d'un logiciel mis à jour pour prendre en compte les dernières avancées technologiques.
La réédition opportune du premier invite à la comparaison, même si les deux disques peuvent très bien être écoutés individuellement. Ce "Camino del Sol bis" rassemble, outre le mini-album du même nom, une dizaine de morceaux de la même année, tirés de singles ou de compilations rares, voire carrément inédits. L'ensemble, un peu daté mais fort plaisant, est assez représentatif d'une certaine pop européenne du début des années 80. Ces ritournelles naïves et minimalistes, qui hésitent entre rythmes brésiliens (bossa nova, samba) et électronique primitive, parfois légèrement funky, font écho à d'autres expériences menées à l'époque en France (cf. l'excellente compilation "So Young But So Cold, Underground French Music 1977-1983") ou en Grande-Bretagne (Young Marble Giants et ses suites). Comptant parmi ses fans Neil Tennant des Pet Shop Boys ou le jeune Jarvis Cocker, Antena semble avoir influencé un pan entier de la variété-pop française des années 80 (de Daho à Mikado en passant par Lio), tout en préfigurant les mélanges suaves et subtils de Stereolab, Bebel Gilberto, Pizzicato 5 et même Nouvelle Vague.
Chantés en français ou en anglais avec accent (il y a même un titre en allemand), les morceaux reflètent l'insouciance et la frivolité d'une époque d'avant le sida, le chômage de masse et l'abandon sans remplacement d'idéologies devenues obsolètes. Sans doute peu motivés par une carrière dans le show-biz (qu'ils ne firent pas, d'ailleurs), Isabelle Powaga, Sylvain Fasy et Pascale Moiroud n'avaient peur de rien, pas même du ridicule. Ils n'hésitaient pas à revisiter "The Girl from Ipanema" en en gauchissant les intouchables lignes mélodiques et en changeant la fille en garçon (un single produit par John Foxx, l'ex-leader d'Ultravox), à décalquer la chanson des "Demoiselles de Rochefort" ("Nous sommes deux sœurs jumelles…") et à composer un chant de Noël pas très catholique pour l'une de ces improbables compilations dont Les Disques du Crépuscule, leur label de l'époque, avait le secret. Les textes sont parfois tartignolles (la chanson-titre vacancière rappelle le "Playa Bianca" de Houellebecq, mais sans le déprimant "retour au réel" final), et la technique instrumentale s'avère souvent aussi rudimentaire que la production. Ces airs à tuer l'ennui gardent néanmoins un charme qui, pour être ténu, n'en est pas moins inaltérable.
ANTENA - Toujours du soleil
(LTM)
A côté de "Camino del Sol", "Toujours du soleil" sonne beaucoup plus pro, mais ses quatorze titres évitent assez habilement l'écueil de l'easy listening tiédasse. Enregistré et mixé entre la côte d'Azur, Bruxelles et Goa, le disque a tout de la petite entreprise familiale (Isabelle partage notamment le chant avec sa fille Pénélope, dont le père n'est autre que Sylvain Fasy) et amicale. Rob Garza et Eric Hilton de Thievery Corporation, fans de longue date, ont ainsi collaboré à trois morceaux, et la plupart des musiciens sont de vieux complices du plat pays (c'est au Japon et en Belgique, sa terre d’adoption, qu'Isabelle Antena a connu le plus de succès). Les auteurs ont parfaitement assimilé tous les codes de la musique électronique - jusqu'aux morceaux enchaînés comme dans un mix - sans pour autant négliger une écriture plus classique (voir cette surprenante reprise de "Horse With No Name", le tube seventies d'America, qui ferait merveille sur une compile de "Paris Dernière"). Mêlant programmations electro inventives et sonorités jazzy, l'ensemble séduit par son absence totale de prétention, son côté "disque de plage" totalement assumé. Sorti un jour férié (le 1er mai !), le bien nommé "Toujours du soleil" sera la bande-son idéale, digne et oisive d'un été à la fois chaud et cool, d'Ibiza à Copacabana.
Vincent Arquillière
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